Partir vivre sur Mars ? "Un jour, mes fils me rejoindront"

Partir vivre sur Mars ? "Un jour, mes fils me rejoindront"
La future base habitable en image de synthèse (Mars One) (MARS ONE)

Mars One, une entreprise hollandaise propose d'aller coloniser la planète rouge d'ici à dix ans. Des milliers de Terriens ont postulé pour ce projet, moins délirant qu'il n'y paraît. L'Obs en a rencontré.

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Mars One, une société néerlandaise à but non lucratif, affiche une folle ambition : fonder la première colonie humaine sur la planète rouge. Premiers départs prévus vers 2024, avec à terme, le projet de la peupler. La glace emprisonnée dans ses roches, les minéraux et autres ressources de la planète rouge devant un jour permettre de la "terraformer", autrement dit d'y créer une atmosphère et des conditions propices à la vie.

En attendant, les colons vivront dans de minuscules bases où ils devront faire face à tout. Car l'environnement sur Mars sera des plus hostiles : températures ultra-sibériennes (jusqu'à -140°C selon l'heure et la zone de la planète), radiations et poussières nocives. Et les conditions de vie 100% spartiates : nourriture végétale ou artificielle, confinement dans les capsules 24 heures sur 24 sauf virées en scaphandre.

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A l'origine de cette folle entreprise, Bas Lansdorp, un ingénieur mécanicien Néerlandais de 37 ans. Le déclic lui est venu à la lecture d'un article scientifique :

Il expliquait que la grande difficulté d'une expédition martienne tenait au problème du retour. L'article plaidait donc pour un aller simple. J'ai gardé l'idée..."

La communauté scientifique est partagée. Certains soutiennent, avec mesure, le principe du projet. D'autres le raillent, comme Sylvestre Maurice, planétologue à l'Irap, membre de la mission Curiosity, ce robot qui explore déjà la planète rouge :

Nous sommes toujours contents qu'on parle d'exploration spatiale, mais franchement, cette idée, c'est n'importe quoi. Sur le plan technique, elle est irréalisable. Et sur le plan éthique, elle est inacceptable. On n'a pas le droit d'exposer des gens à de tels risques."

Un groupe de quatre étudiants américains du Massachusetts Institute of Technology (MIT) vient aussi de réaliser une étude très critique quant aux chances de survie des futurs marsonautes. Selon leurs calculs, compte tenu de la taille des modules d'habitation, du soutien logistique prévu et du délai d'acheminement des pièces de rechange, les pionniers seront confrontés à la famine en quelques semaines et morts de faim au bout de 68 jours. Et s'ils ne périssent pas faute de nourriture, ce sera faute d'air respirable, intoxiqués par le trop-plein d'oxygène dégagé par leurs plantations végétales dans un milieu clos.

Bas Lansdorp balaie d'un revers de main ces calculs, considérant que les étudiants ont mal utilisé les données.

Ceux qui critiquent notre projet n'en connaissent pas les détails. Nous sommes conseillés et soutenus par des spécialistes de la Nasa, de l'Agence européenne spatiale comme Mason Peck, ou bien le prix Nobel de physique Gerard't Hooft", se défend le concepteur du projet.

Mars One a lancé un concours international en ligne, ouvert à tous, sans critère d'âge ou de diplôme. L'Obs a rencontré des candidats au départ. Témoignages.

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1Anastasiya Stepanova, 28 ans, journaliste à Moscou : "C'est ma dernière chance" 

(Crédit: Kirill Kalinikov/RIA NOVOSTI/AFP)

"Comme tous les enfants en URSS, j'ai toujours rêvé de devenir cosmonaute. Quand j'ai entendu parler de Mars One, je me suis dit : 'C'est ma dernière chance !' J'avais a priori une belle vie, un bon emploi, ma famille, des amis autour de moi, mais tout ça ne me suffisait pas... Depuis que j'ai osé déposer ma candidature, je sens que j'ai une énergie incroyable !

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En novembre, je pars pour une quinzaine de jours dans l'Utah, pour participer à un stage où sont reproduites les conditions de vie d'une station spatiale, histoire de me confronter à ce qui m'attend. J'ai aussi commencé un entraînement physique. Ici, l'espace est un rêve national. J'ai dû être interviewée une bonne soixantaine de fois. Le mois prochain, je suis en couverture de 'Cosmopolitan', je participe à des conférences, des documentaires...

Ma démarche a même inspiré certains de mes amis qui n'osaient pas exercer le métier dont ils avaient envie. Ils se sont dit : 'Si Anastasiya a l'audace de faire un truc pareil, pourquoi pas nous ?'"

 

2Gabriel Lejaille, 44 ans, informaticien à Toulouse : "Mes fils, un jour, me rejoindront"

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(Crédit: Guillaume Rivière pour L'Obs)

 "J'ai pris ma décision en un mois. J'ai bien étudié le projet pour voir si c'était sérieux. Je viens d'une famille modeste, j'ai été obligé de travailler très jeune. Je suis devenu électricien. Ensuite, j'ai fait un peu tous les métiers, graphiste, vendeur, informaticien... Il y a quelques années, j'ai repris mes études, en cours du soir. Je suis devenu ingénieur d'affaires, j'ai aussi construit moi-même ma maison. Je dors très peu...

Partir m'installer sur une nouvelle planète, ce serait l'aboutissement de toutes mes expériences. Et devenir astronaute est le rêve de tout gosse, je suis prêt à aller jusqu'au bout. Je ne mange déjà plus de viande, plus de lait, j'ai perdu 15 kilos.

Au début, ma femme n'a pas compris que je veuille partir. Mais ensuite, elle a réalisé ce que ça représente pour moi. Mes deux fi ls sont super excités par Mars One. Si j'ai la chance d'en être, je suis sûr qu'ils me rejoindront un jour là-bas... Pour moi, c'est une chance de montrer qu'on est toujours maître de sa destinée, qu'on peut changer sa vie."

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3Sylvain Burdot, 23 ans, étudiant en ingénierie des risques : "Il faut faire progresser l'humanité"

(Crédit: Gilles Mingasson pour L'Obs)

"En ce moment, je fais un stage dans l'aérospatiale au milieu du désert de Mojave, au nord de Los Angeles. Les conditions de vie ne sont pas si éloignées de celles qu'on pourrait connaître lors d'une mission spatiale... J'ai bien sûr beaucoup réfléchi, et je suis prêt à prendre ce risque. Je ne fais pas ça pour moi, mais pour faire progresser l'humanité. C'est un projet de coopération internationale dans une époque où les pays se battent pour des broutilles.

Sur internet, j'ai reçu des commentaires assez agressifs, des gens qui pensent que c'est de l'argent gaspillé, ou bien qui nous prennent pour des suicidaires... Mon père, lui, me comprend et me soutient. Il est même, je crois, assez fier de moi. Aujourd'hui, beaucoup de gens ne s'intéressent à rien, ne croient en rien. Des étudiants de ma promo ne savent pas ce qu'ils veulent faire. Nous vivons dans un monde de portes fermées. J'aimerais contribuer à redonner envie aux autres d'accomplir quelque chose."

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4Pietro Aliprandi, 24 ans, étudiant en médecine à Trieste : "L'isolement ne me fait pas peur"

(Crédit: Borat Peterlin/PANOS/REA pour L'Obs)

"Quand j'ai entendu parler du projet, j'ai d'abord cru que c'était une blague, puis leur site m'a convaincu et j'ai décidé d'essayer. Dans quelques mois, je serai médecin, mais tant de choses me passionnent. Je veux faire des études de cinéma, devenir réalisateur, mais aussi psychanalyste, alors l'idée d'avoir des années devant moi pour étudier dans tous les domaines me plaît énormément.

L'isolement ne me fait pas peur. J'ai grandi en faisant des camps, en apprenant à vivre avec peu d'eau, peu de nourriture. Je suis enthousiasmé par l'idée de partir transformer une autre planète, d'avoir cette liberté d'inventer, d'oser des choses nouvelles. Quoi qu'il arrive, je vais quitter l'Italie, mes parents, mes amis, pour aller étudier aux Etats-Unis. On se parlera, on se verra sur Skype... Sur Mars, c'est juste un peu plus loin, et il y aura seulement un décalage de vingt minutes dans les transmissions."

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Véronique Radier

 >> Lire l'intégralité de l'enquête "Un aller simple pour Mars" dans l'Obs du 23 octobre

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