Contrôles des chômeurs : comment "remotiver" sans stigmatiser ?

Contrôles des chômeurs : comment "remotiver" sans stigmatiser ?
A l'agence Pôle emploi d'Armentières (PHILIPPE HUGUEN - AFP)

Comment mieux encadrer et contrôler les chômeurs sans agiter le chiffon rouge de la fraude ? C'est le casse-tête de François Rebsamen, alors que tombent aujourd'hui les chiffres du mois de septembre.

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Baissera, baissera pas ? Le ministre du Travail a choisi de se débarrasser du fardeau légué par son prédécesseur, Michel Sapin, sur l'hypothétique inflexion de la courbe du chômage lors de la publication des chiffres mensuels : "Vous avez dû le remarquer, c'est fini, je ne commente pas", a décidé François Rebsamen.

Pôle emploi publie les nouveaux chiffres ce vendredi 24 octobre. Malgré le léger repli du mois d'août, la situation demeure particulièrement difficile avec un taux de chômage qui approche les 10%. Certains demandeurs d'emplois, les chômeurs de longue durée notamment, baissent les bras et renoncent à chercher. Ce sont eux que le ministre du Travail souhaite maintenant "redynamiser".

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Ne pas agiter le chiffon rouge de la fraude

Début septembre, François Rebsamen avait provoqué une levée de bouclier syndicale en demandant à Pôle emploi de "renforcer les contrôles pour vérifier que les gens cherchent bien un emploi". Le ministre se défend d'avoir voulu agiter le chiffon rouge d'un quelconque soupçon de fraude :

On a dans la tête le schéma Sarkozy ! On ne peut plus dire 'contrôle' ou 'sanction', sans qu'immédiatement ne soit brandi le mot 'fraude' alors qu'il ne s'agit que de prévention. La crainte de la sanction, ça fonctionne aussi. Les contrôles montrent qu'on s'occupe d'eux, nous voulons remotiver les demandeurs d'emploi."

Un mobile honorable mais une façon de communiquer négative pour Gilles de Labarre, président de l'association Solidarités nouvelles face au chômage (SNC) qui persiste : "Il y a eu un problème dans l'expression du ministre, contrôle entraîne stigmatisation."

Vers une convention tripartite

"Je veux un engagement réciproque qui engage le conseiller et le demandeur, avec des droits et des devoirs pour les deux" : François Rebsamen demande donc la mise en place d'une convention tripartite Etat-partenaires sociaux-Pôle emploi.Vice-président de la CFTC, Joseph Thouvenel estime que le ministre passe à côté du véritable enjeu :

Remobiliser, c'est très bien. Mais il faut des moyens ! Humainement, les conseillers de Pôle emploi n'en peuvent plus. Du côté des chômeurs, après des mois d'échecs, de refus, d'impossibilité de décrocher ne serait-ce qu'un entretien, comment s'y prend-on pour remobiliser?"

Un engagement référent-chercheur d'emploi ? "On ne peut que être d'accord", confirme Gilles de Labarre, "mais l'engagement c'est quoi ? Si le demandeur a un premier rendez-vous au bout d'un mois et son rendez-vous de suivi au bout de quatre, c'est insuffisant ! On ne met pas suffisamment de ressources d'accompagnement au début de la recherche. " SNC milite donc pour un accompagnement le plus tôt possible :

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Toutes les études montrent que plus on reste au chômage, plus il devient difficile de retrouver un emploi."

L'association appelle à un accompagnement de proximité rapide, "pour faire reprendre confiance, en soi, en son talent, en l'entreprise. Pôle emploi n'en a actuellement pas les moyens."

François Rebsamen tente de relativiser cet argument et rappelle que l'Etat a "déjà fait un gros effort" avec 10% d'effectifs supplémentaires à Pôle emploi : 2.000 nouveaux conseillers en 2012 et 2.000 l'année suivante.

Expérimentation de Pôle emploi

Moyens ou pas, Pôle emploi a conscience de "la situation de demandeurs ayant besoin d'être remobilisés" et n'a pas attendu la polémique du mois dernier pour lancer, dès juin 2013, une expérimentation de 10 mois sur le contrôle des chômeurs. Rendus publics mercredi 15 octobre, les résultats de cette évaluation menée sur trois régions (Paca, Franche-Comté et Poitou-Charentes) montrent que le contrôle "a pu aider le demandeur à conserver ou retrouver une dynamique de recherche d'emploi". Ainsi, en région Paca où les demandeurs contrôlés ont été sélectionnés de manière aléatoire, seuls 8% d'entre eux ont finalement fait l'objet d'une sanction (une radiation de 15 jours) pour recherche insuffisante constatée.

Parmi les demandeurs d'emploi sanctionnés dans le cadre de l'expérimentation - une majorité d'hommes - 63% sont des chômeurs de longue durée, marque d'un découragement certain et preuve de ce besoin de "remotiver" souligné par François Rebsamen. De son côté, SNC insiste sur le fait que 55% d'entre eux ne sont plus indemnisés. Etre radiées ne changerait donc rien, si ce n'est qu'elles s'éloigneraient encore plus de l'emploi.

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Alors oui, contrôle ou pas, on appelle ça comme on veut, il faut des repérages de ceux qui ont baissé les bras", insiste Gilles de Labarre.

Trop de changements de règles

 "Un meilleur suivi individuel nécessite des moyens", répète la CFTC qui milite aussi pour "de vraies formations qui débouchent sur des emplois". Joseph Thouvenel rappelle aussi la responsabilité des entreprises sur la question de l'âge : "A partir d'un moment, il n'y en a plus aucune qui embauche." Avant de changer une fois de plus le fonctionnement de Pôle emploi, il rappelle qu'il faut du temps pour connaître le système et qu'"avec un changement constant des règles, nous assistons à une déperdition considérable des capacités des conseillers."

Mobiliser ou remobiliser les demandeurs d'emploi avec un meilleur accompagnement, tout le monde semble d'accord. Gilles de Labarre insiste donc : "Dans la conjoncture actuelle, si des moyens publics sont impossibles à activer, comment fait-on ? Il s'agit d'une vraie question de politique publique. Il manque un lieu de débat sur ces sujets."

Louis Morice

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