Publicité

Où en est la politique de l'intelligence artificielle sept mois après le rapport Villani ?

Bientôt sept mois après la remise du rapport de Cédric Villani et les annonces d'Emmanuel Macron sur l'intelligence artificielle, les chantiers lancés sont nombreux, mais l'essentiel du chemin reste à faire.

Cédric Villani, mathématicien et député, et Emmanuel Macron se sont succédé sur la scène du Collège de France à l'occasion du sommet « AI for Humanity », le 29 mars, au cours duquel le président a annoncé la stratégie nationale en matière d'intelligence artificielle.
Cédric Villani, mathématicien et député, et Emmanuel Macron se sont succédé sur la scène du Collège de France à l'occasion du sommet « AI for Humanity », le 29 mars, au cours duquel le président a annoncé la stratégie nationale en matière d'intelligence artificielle. (nicolas messyasz/pool/REA)

Par Benoît Georges, Rémy Demichelis

Publié le 22 oct. 2018 à 19:41Mis à jour le 23 oct. 2018 à 12:50

En mars, le député LREM et mathématicien Cédric Villani rendait son rapport sur l'intelligence artificielle (IA) au gouvernement, et Emmanuel Macron annonçait dans la foulée plusieurs mesures en faveur de cette technologie à l'occasion d'un grand sommet au Collège de France, à Paris. « Au total, ce sera un effort dédié de d'argent public » sur la période du quinquennat, avait promis le président. Près de sept mois après, où en sont les différents chantiers ?

Nomination d'un « Monsieur IA » : fait

La nomination d'un coordinateur interministériel dédié à l'IA avait été préconisée par le rapport Villani. Depuis septembre, c'est chose faite : Bertrand Pailhès, diplômé de Télécom ParisTech et de Sciences Po Paris, ingénieur des mines, ancien directeur de cabinet d'Axelle Lemaire (elle-même ancienne secrétaire d'Etat au Numérique). « Mon rôle est de m'assurer que tous les ministères mèneront à bien les actions telles qu'elles ont été annoncées par le président de la République et le secrétaire d'Etat chargé du Numérique suite au rapport Villani », explique-t-il aux « Echos ». Ce tout nouveau « Monsieur IA » a du pain sur la planche, car si de nombreux projets sont en cours, aucun n'est encore abouti.

Création d'instituts de l'IA : en bonne voie

Publicité

La mise en place d'instituts interdisciplinaires de l'intelligence artificielle (3IA) était une des mesures phares préconisées par Cédric Villani et promises par Emmanuel Macron. L'appel à projet est clos depuis fin septembre, mais on ne connaît toujours pas le nombre de dossiers qui ont été déposés, les budgets qui seront alloués, ni la composition du jury chargé d'évaluer les candidatures. C'est au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche qu'échoue l'organisation de la sélection. Cinq établissements (universités ou centres de recherche) qui favorisent les interactions entre l'IA et d'autres champs comme l'éducation, le droit, le sport, l'économie, etc. seront choisis « début 2019 », selon Bertrand Pailhès.

Formation : encore du flou

« Nous doublerons le nombre d'étudiants formés à l'intelligence artificielle, depuis la licence jusqu'au doctorat en passant par les formations professionnelles courtes, et prévoirons les financements qui correspondent à ce doublement », avait déclaré Emmanuel Macron. Plusieurs établissements publics, comme Polytechnique avec Télécom-ParisTech, ont ouvert de nouveaux cursus. D'autres formations professionnelles ont également augmenté leurs effectifs comme l'école Microsoft avec Simplon. Enfin, lors d'une conférence vendredi dernier à la Chambre de commerce et d'industrie d'Ile-de-France, Cédric Villani a indiqué que les 3IA « auront pour charge de former beaucoup plus d'étudiants ».

Cependant, le nombre qui sert de base au calcul est difficilement mesurable (l'Elysée parlait de « 3.000 à 5.000 » étudiants), et l'IA en tant que discipline est mal définie, donc l'objectif est flou. Force est de constater toutefois que les « data-sciences » attirent.

Chercheurs dans les entreprises : presque

« La loi Pacte […] supprimera le passage obligatoire auprès de la commission de déontologie ou autorisera un chercheur public à consacrer jusqu'à la moitié de son temps à une entité privée, alors qu'aujourd'hui c'est plafonné à 20 % », déclarait Emmanuel Macron en mars. Le projet présenté par Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, a été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture et doit encore passer au Sénat en janvier.

Le texte prévoit effectivement de rendre facultatif l'examen par la commission de déontologie de la fonction publique si le chercheur veut apporter un concours scientifique à une entreprise qui valorise ses recherches ; son université pourrait seule donner l'aval. La question du temps effectué n'est pas explicitée dans les articles, car « le passage de 20 % à 50 % sera adopté par voie réglementaire », précise Bercy.

Cela permettra au chercheur de continuer à être payé par son organisme à 100 % de son salaire - « C'est l'entreprise qui complétera [la différence] », indique le ministère. Libre à la société privée de verser davantage pour la rémunération.

La loi Pacte permettra par ailleurs aux chercheurs d'exercer une fonction hiérarchique dans l'entité privée (à l'exception de dirigeant), et elle leur facilitera la création d'entreprise.

Financements : bien avancé

Publicité

« Nous isolerons […] 100 millions d'euros destinés à l'amorçage et la croissance de nos start-up en intelligence artificielle », avait annoncé le président. Et c'est l'un des chantiers les plus avancés : le Fonds pour l'innovation a été mis en place. Doté de 10 milliards d'euros, il doit générer chaque année 250 millions d'euros. Le conseil chargé de définir ses grands axes a été constitué cet été et l'IA était la priorité.

La Banque publique d'investissement (BPI), qui doit également gérer une partie des fonds, a déjà annoncé l'augmentation de ses crédits pour aider les jeunes pousses. Mais il faudra attendre début 2019 pour que les financements arrivent chez BPI. Quant aux bénéficiaires en bout de chaîne, les entreprises, elles ne sont donc pas encore désignées. Reste que le Fonds pour l'innovation doit franchir une dernière étape, et non des moindres : la privatisation d'Aéroport de Paris et de la Française des Jeux, prévue par la loi Pacte. L'argent issu des ventes permettra d'assurer la pérennité de la dotation initiale.

Services publics : réponse sous peu

Les gagnants d'un appel à projet concernant l'utilisation de l'intelligence artificielle dans les services de l'Etat seront bientôt connus. Le jury s'est réuni la semaine dernière. Un million d'euros seront répartis entre les lauréats.

Hub des données de santé : annoncé pour 2019

Emmanuel Macron voulait « créer […] un véritable hub des données de santé », et c'est en bonne voie. Le Health Data Hub a été officiellement annoncé le 12 octobre.

Guichet unique, il permettra aux chercheurs publics ou privés d'utiliser plus facilement les données de santé récoltées par l'Etat. « Dès l'ouverture du hub au second semestre 2019, et tous les six mois, trois à cinq projets seront accompagnés par une équipe dédiée ou au moyen d'un financement », indique le rapport de la mission de préfiguration. Le budget est estimé à terme à 40 millions d'euros par an.

Voiture autonome : suit sa route

La loi d'orientation des mobilités, dont le site en ligne Contexte a publié l'avant-projet la semaine dernière, permettrait au gouvernement de légiférer, via ordonnance, en ce qui concerne les véhicules autonomes sur des sujets tels que la formation ainsi que la circulation de données entre les voitures, les infrastructures et les autorités. Le gouvernement présente la loi Pacte comme autorisant le test de véhicules autonomes avec un conducteur à l'extérieur de l'habitacle, mais c'est déjà le cas. «  le prévoyait en termes relativement vagues et peu à même de permettre aux acteurs d'anticiper les véritables risques auxquels ils pouvaient s'exposer », analyse l'avocat Claude-Etienne Armingaud.

La loi Pacte éclaircirait aussi la question de la responsabilité en cas d'accident lors des tests : « Désormais, le conducteur bénéficierait d'un régime d' 'irresponsabilité' partiel lorsque le système d'autonomie du véhicule est activé », explique l'avocat Gérard Haas. La responsabilité du conducteur serait moins engagée, mais davantage celle de l'exploitant.

Ethique et diplomatie : un enjeu plus européen

Aucun « observatoire sur la non-prolifération des armes autonomes », préconisé par le rapport Villani, à l'horizon. Quant à un « GIEC » de l'IA, voulu par Emmanuel Macron, il n'a pas l'air plus avancé, mais de source diplomatique des annonces pourraient avoir lieu début décembre. L'enjeu se situe plutôt à un niveau européen, avec la mise en place du RGPD et de la nomination en juin dernier, par la Commission européenne, d'un comité d'experts de 52 personnalités chargées de se pencher sur les questions liées à l'IA.

Défense et innovation : entre renouveau et attente

Le 1er septembre a été créée l'Agence de l'innovation de la défense, avec Emmanuel Chiva, spécialiste de l'IA, au poste de directeur. Elle ne se focalisera pas uniquement sur l'IA, et ce n'était pas un point particulièrement mis en avant par Emmanuel Macron au Collège de France, mais on peut y voir un geste en faveur de cette technologie.

« Elle sera chargée de fédérer tous les acteurs de l'innovation de défense, piloter la politique de recherche, technologie et innovation du ministère et l'ensemble des dispositifs d'innovation. Elle générera à terme le budget de la recherche et de l'innovation du ministère des armées, qui passera de 730 millions d'euros par an actuellement à un milliard d'euros d'ici à 2022 », avait précisé Florence Parly, ministre des Armées, en mars.

Quant au projet de « Darpa européenne », inspiré par l'Agence américaine de recherche en défense, voulu par Emmanuel Macron, il est encore dans les cartons et se dirigerait plutôt vers une structure franco-allemande. Le gouvernement souhaiterait toutefois ne pas le limiter à l'aspect militaire, comme la Darpa, et le Fonds pour l'innovation pourrait être mis à contribution.

Rémy Demichelis 

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

qfkr8v3-O.jpg

La baisse de la natalité est-elle vraiment un problème ?

Publicité